14 juillet 2009
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Au détour d'un commentaire dans le prolongement de l'article consacré aux vieux, un courageux sociologue des temps modernes est venu nous dire un gros mot : "jeunisme". Alors, jeunisme, c'est quoi ?
On reconnait, dans ce nom, que l'on veut nous parler d'âge : un "jeune" est une personne qui n'est pas encore très avancée en âge, qui est au début de son existence. Un enfant est donc un jeune, un adolescent est un jeune, un jeune homme ou une jeune fille est un jeune. Un adulte est déjà moins jeune. Un vieux n'est plus jeune.
Dans ce que l'on peut qualifier des âges de la vie, la période "jeune" est supposée être celle de la promesse, les années à vivre sont nombreuses, le corps est robuste et l'esprit vif.

Le jeunisme, c'est, d'une part, l'idéalisation de la jeunesse et, d'autre part, le fait de faire prédominer cette classe d'âge sur les autres âges de la vie.
Notre société moderne (occidentale et "industrielle") aime les jeunes. Elle les aime d'ailleurs peut être un peu trop et on lui reproche de plus en plus son jeunisme. Les médias aiment nous montrer des visages jeunes, des corps jeunes, des histoires de jeunes, des réussites de jeunes. L'étalon marketing est le jeune, de préférence beau et athlétique : il fait vendre, probablement par un effet d'identification, respire la santé et porte en lui un espoir en l'avenir. Le vieux, lui, est plutôt synonyme de faiblesse (du corps, de l'esprit), il est supposé ne plus faire grand chose (immobilisme) et n'ouvre pas de perspectives d'avenir : en un mot, il est "le passé". Or, dans une société moderne, en perpétuelle mutation, où l'image fait loi, où la consommation est le maître mot, ce "vieux" là ne passe pas. Et ce "vieux" là disparait silencieusement du paysage.
Constatons le jeunisme : à la télévision, combien de présentateurs "séniors" ? Assez peu. Dans une entreprise, un commercial sera d'autant plus apprécié s'il est jeune et ambitieux. L'ancien, lui, on lui suggérera peut être de prendre un peu de recul. Les dépenses publiques sont plus orientées sur les équipements à destination des jeunes (aires de jeux, peri/extra scolaires...) que sur les équipements pour le troisième âge (là aussi, logique de rentabilité économique).
Le vieux devient intéressant, notamment en terme d'image, lorsqu'il fait en sorte de ressembler aux jeunes : s'il boit du pepsi et fait du surf on en fait une pub, s'il se fait tirer la peau (pour ressembler à un chat) et fait disparaître de son corps tout ce qui rappelle l'âge, on le met dans un film ou dans la télévision, s'il sourit et donne une image "rétro-classique dynamique" on le met dans une publicité.
Curieux paradoxe que celui d'une société qui vieillit mais qui ne laisse pas de place à ses vieux.
Tentative d'explication ? L'économie de marché a impulsé ses valeurs dans la société : la concurrence fait qu'il n'y a pas de place pour les faibles, pour les produits techniquement supplantés, pour ce qui n'inspire pas l'avenir. Ainsi, la transmission de l'expérience (qui prend du temps), le lien intergénérationnel (qui suppose une prise en charge, même minimale) ou les rites (qui supposent patience et constance) ont cédé leur place à l'individualisme flamboyant ("je" peux tout tout seul), l'instantanéité (hédonisme, sans réflexion morale) et l'utilitarisme (je ne fais que ce qui est bon pour moi).
Le jeune est l'avenir. Le vieux, beaucoup moins. Mais en sommes-nous bien sûrs ?